Projet pilote pour la sauvegarde du patrimoine bâti religieux dans Ville-Marie

Mis à jour le 19 septembre 2023
Temps de lecture : 3 min

Plusieurs bâtiments religieux sont dans un état critique et nécessitent des interventions immédiates ou à court terme. Ville-Marie propose un projet pilote pour la préservation du patrimoine des lieux de culte de son territoire.

Depuis plusieurs années, les villes et municipalités du Québec doivent conjuguer avec un nombre de plus en plus important de bâtiments religieux excédentaires, c’est-à-dire qui sont à la recherche d’une nouvelle vocation. Ce phénomène amène les administrations publiques à se questionner sur l’avenir de ceux-ci tout en considérant leurs caractéristiques patrimoniales.

Le financement est un enjeu majeur dans la réhabilitation du patrimoine religieux. En réponse aux enjeux actuels, l’arrondissement de Ville-Marie souhaite encourager l’émergence de projets avec des nouveaux usages à caractère public, communautaire ou culturel permettant aux propriétaires d’avoir de nouvelles sources de financements pour l’entretien et la préservation patrimoniale des bâtiments.

Berceau de l’histoire de Montréal, Ville-Marie comporte un riche héritage architectural et patrimonial. Afin d’assurer une protection de cet héritage inestimable, l’Arrondissement s’est doté, en 2020, d’un Plan de mise en valeur du patrimoine local. Ce plan prévoit plusieurs interventions visant à accroître la protection du patrimoine bâti. L’intervention 9 de ce plan – préserver les bâtiments religieux – vise à favoriser la conservation des bâtiments religieux de grande qualité architecturale et à valeur sociétale ainsi que d’explorer des pistes pour la réhabilitation de ces bâtiments.   

Projet pilote pour 15 lieux de culte

C’est dans cet esprit que l’arrondissement de Ville-Marie a lancé une étude documentaire portant sur les 28 lieux de culte recensés dans la liste des immeubles d’intérêt du Plan d’urbanisme. Cette étude a permis de caractériser l’architecture, d’établir l’état extérieur des bâtiments religieux, de documenter l’historique des sites et d’établir un premier contact avec les responsables des bâtiments. Une grille d’analyse a été élaborée sur la base de critères tels que : 

  • l’état de conservation;
  • le degré d’utilisation;
  • la valeur architecturale et symbolique;
  • la possibilité de diversification des usages.

Cet exercice a permis d’intégrer certains de ces lieux à un projet pilote. 

Selon l’analyse réalisée sur la base des critères susmentionnés, 15 bâtiments ont été sélectionnés pour le projet pilote. Ce dernier permettra de diversifier les usages dans les bâtiments sélectionnés, à condition que le projet réponde aux objectifs et critères prévus à la réglementation d’urbanisme de l’arrondissement. À cet effet, les objectifs visés par les modifications règlementaires proposées en première lecture au conseil d’arrondissement du 12 septembre 2023 sont les suivants : 

  • Préserver le patrimoine bâti ecclésiastique dans le paysage urbain et culturel de l’arrondissement de Ville-Marie.
  • Mettre en place un cadre de planification et réglementaire permettant la préservation et la mise en valeur de ces bâtiments.
  • Prévoir une réglementation favorisant le maintien d’une occupation diversifiée à caractère public, communautaire ou de rassemblement.
  • Traduire une vision cohérente et unifiée dans la planification et la réglementation afin de favoriser la prévisibilité pour les promoteurs de projets de diversification des usages.

Les modifications réglementaires en bref

L’une des deux propositions est d’adopter un règlement modifiant le Règlement sur les projets particuliers de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble. Le but visé est d’intégrer des objectifs et des critères pour faciliter l’évaluation de projets autres que ceux qui sont actuellement autorisés dans un secteur « lieux de culte patrimoniaux ». Autrement dit, le Règlement modifié comportera des balises claires pour autoriser ou non un projet ne relevant pas de la pratique religieuse. On pourrait penser à un projet communautaire, de rassemblement ou encore un projet public à fort impact dans la communauté, par exemple. 

En parallèle et en cohérence avec cette proposition de modification réglementaire, une demande de modification du Plan d’urbanisme de la Ville de Montréal est également entamée afin de modifier la liste des bâtiments d’intérêt patrimonial et architectural hors secteur de valeur exceptionnelle de l’arrondissement de Ville-Marie par la modification de la liste des lieux de culte en lien avec l’étude de caractérisation décrite plus haut dans l’article. 

L’ensemble des bâtiments religieux qui seront retirés de la liste des lieux de culte au Plan d’urbanisme demeurera :

  • dans un secteur d’usage de la catégorie E.5 - Lieux de culte patrimoniaux;
  • dans l’unité de paysage grande propriété institutionnelle;
  • identifiés comme immeubles d’intérêt. 

Cela signifie que, malgré les modifications apportées au Plan d’urbanisme, les projets visant à diversifier les usages dans un immeuble à vocation historique cultuelle identifiée au Plan d’urbanisme ne pourront être réalisés de plein droit (sans qu’aucune formalité juridique soit nécessaire).

Les sites qui pourront voir leurs usages diversifiés ou renouvelés par l’entremise du nouveau cadre d’évaluation des demandes d’autorisation réglementaire sont les suivants :

  1. 2000, rue Alexandre-DeSève (Église Sacré-Coeur-de-Jésus)
  2. 2151, rue Fullum (Église Saint-Eusèbe-de-Verceil)
  3. 1439, rue Sainte-Catherine Ouest (St. James the Apostle)
  4. 1153, rue Alexandre-DeSève (Église Sainte-Brigide-de-Kildare)
  5. 1202, rue De Bleury (Le Gesù)
  6. 1455, avenue Papineau (Centre évangélique)
  7. 137, avenue du Président-Kennedy (Saint John the Evangelist)
  8. 1201, rue de la Visitation (Église Saint-Pierre-Apôtre)
  9. 2388, rue D’Iberville (Saint-Michael’s Ukrainian Catholic)
  10. 2020, rue de Bordeaux (Notre-Dame-de-Guadalupe / Sainte-Marguerite-Marie Alacoque)
  11. 1151, rue De Champlain (Saints-Pierre-et-Paul/St. Luke’s Episcopalian)
  12. 1235, rue Lambert-Closse (Evangel Pentecostal Church)
  13. 2097, avenue Union (People’s Church of Montréal)
  14. 1429, rue Poupart (Association missionnaire internationale des Adventistes du 7e jour)
  15. 463, rue Sainte-Catherine Ouest (St. James United)

Carte des lieux de culte recensés au Plan d’urbanisme

Assemblée publique de consultation

Les acteurs du milieu religieux, dont les propriétaires de lieux de culte, ainsi que toutes les personnes intéressées seront invités à assister à l’assemblée publique de consultation afin de poser des questions sur le projet de modifications réglementaires et de faire entendre leur opinion auprès des élu(e)s et fonctionnaires. 

La rencontre aura lieu le 2 octobre 2023, à 17 h 30, au 800, boulevard De Maisonneuve Est, au rez-de-chaussée.

Q.1 Combien de lieux de culte patrimoniaux retrouve-t-on dans Ville-Marie?
Au total, 28 lieux de culte sont recensés dans la liste de bâtiments d’intérêt patrimonial du Plan d’urbanisme. 

Q.2 Pourquoi apporter des modifications réglementaires?
Depuis plusieurs années, la pratique du culte est en baisse et soulève plusieurs enjeux concernant la sauvegarde du patrimoine religieux. Le nombre de lieux de culte excédentaires, c’est-à-dire qui sont à la recherche d’une nouvelle vocation, ne cesse d’augmenter au Québec pour atteindre près de 108 en 2019 ( 2746 bâtiments dédiés au culte en 2003). Le territoire de Ville-Marie n’en fait pas exception. Cette situation s’explique par le fait que les communautés religieuses manquent de relève ou de financement pour s’occuper de leur(s) bâtiment(s). 

Concrètement, la réduction de l’occupation et de l’entretien des lieux de culte se traduit souvent par un émiettement des caractéristiques architecturales remarquables. Sans vocation, le destin de ces bâtiments abandonnés ou avec une occupation réduite est peu enviable comme le démontre l’inspection et l’analyse des 28 lieux de culte réalisées à l’été 2023 par la Division de l’urbanisme. Plusieurs bâtiments nécessitent des interventions immédiates ou à court terme, conséquence partielle du statu quo concernant les usages possibles dans les lieux de culte au Plan d’urbanisme. Force est de constater que la conservation de ces bâtiments n’est pour le moment plus assurée avec l’usage « lieux de culte ». 

Q.3 Quels sont les avantages des modifications réglementaires?
Les modifications réglementaires permettront de cesser de traiter des demandes d’autorisation réglementaire et de modification du Plan d’urbanisme à la pièce et de faciliter la réalisation de projets qui rencontrent les objectifs de la Ville. Le processus d’approbation sera connu d’avance pour les porteurs de projet de même que les balises quant aux usages et aux transformations.

La modification proposée a pour avantage de :

  • permettre une occupation pérenne et diversifiée, et favoriser l’émergence de projets d’occupation à caractère public, communautaire ou de rassemblement;
  • clarifier et diffuser l’encadrement réglementaire pour les porteurs de projet en : 
    • faisant connaître les critères d’analyse et le processus d’approbation à l’avance;
    • réduisant les délais tout en conservant les assemblées de consultation publique;
  • créer un nouveau cadre permettant de valoriser l’initiative et la créativité des propriétaires et des entrepreneur(e)s dans l’occupation des bâtiments culturels patrimoniaux;
  • réduire les risques d’abandon des lieux de culte;
  • assurer la protection et la mise en valeur des composantes architecturales et paysagères des lieux de culte.
     

Q.4 Quels seraient les principaux changements si les modifications étaient adoptées?
Il est proposé de modifier la liste des bâtiments d’intérêt patrimonial et architectural de l’arrondissement de Ville-Marie et les notes des catégories d’affectation du sol afin de rompre le lien existant entre architecture et affectation (usage) du Plan d’urbanisme. De ce fait, il sera possible d’autoriser la diversification des usages dans les lieux de culte selon une approche réglementaire discrétionnaire (article 89 de la Charte de la Ville de Montréal, Métropole du Québec) ou par une demande d’autorisation pour les projets particuliers de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble (PPCMOI), demande qui a pour but de permettre la réalisation de travaux qui dérogent aux règlements d’urbanisme.

Il est également proposé de modifier le Règlement sur les projets particuliers (PPCMOI) de l’arrondissement de Ville-Marie afin d’encadrer spécifiquement les demandes de changement d’usage des lieux de culte et d’établir l’encadrement de ce type de projet. La modification proposée établit deux objectifs principaux pour ce type de projet, soit la protection du caractère communautaire et rassembleur ainsi que la préservation des caractéristiques architecturales remarquables et des qualités urbaines des immeubles à caractère religieux. Plusieurs critères spécifiques permettront d’évaluer l’atteinte de ces objectifs et assurer la plus-value des propositions.

Q.5 Est-ce que les nouveaux usages ou transformations pourraient compromettre le patrimoine religieux tel qu’on le connaît?
La situation actuelle n’est pas garante de la protection des caractéristiques architecturales de grande valeur, au contraire. 

À titre d’exemple, les 4 lieux de culte de l’arrondissement qui ont été retirés des listes du Plan d’urbanisme afin d’autoriser des usages autres que ceux actuellement permis ont eu des retombées positives. En effet, le changement de vocation a permis de mettre en valeur les bâtiments en question et surtout de les entretenir de manière à ce qu’ils demeurent dans le paysage urbain. 

Par ailleurs, l’ensemble des lieux de culte de l’arrondissement sont localisés dans l’unité de paysage Grande propriété institutionnelle et sont identifiés comme étant des immeubles d’intérêt. Par conséquent, tout projet d’agrandissement ou de modification d’un élément construit d’intérêt nécessite le dépôt d’une évaluation d’intérêt patrimonial et une étude exhaustive des différentes configurations.

Q.6 Quels genres de projet pourrait-on voir émerger à la suite de l’adoption des modifications?
Trois types de projets sont favorisés par les modifications réglementaires, soit les projets d’ajout d’un usage, de diversification ponctuelle des usages ou de recyclage complet du bâtiment :

  • l’occupation d’un sous-sol d’église, d’une sacristie ou d’un presbytère par un usage complémentaire pourrait être autorisée (par exemple, une librairie/café ou une épicerie dans une sacristie, une auberge de jeunesse dans un sous-sol d’église ou dans un presbytère);
  • l’occupation de la nef par un usage cultuel et à des fins culturelles et commerciales;
  • le changement de vocation complet du bâtiment pour un usage compatible à caractère public, communautaire ou de rassemblement. 

Un exemple concret du genre de projet que l’on pourrait voir naître est celui de l’église Saint-Vincent-de-Paul. L’occupation cultuelle était précaire, l’état de détérioration avancé et l’intégrité patrimoniale compromise. Cette construction d’intérêt patrimonial datant du début du 20e siècle a fait l’objet d’une demande pour l’implantation d’une salle événementielle. Ce projet ambitieux aura permis de restaurer l’extérieur du bâtiment en plus de retrouver des caractéristiques d’origine, autrefois disparues, telles que des peintures, des mosaïques, des vitraux et certaines dorures.

Q.7 Pourquoi seulement 15 lieux de culte ont été sélectionnés pour le projet pilote?
D’abord, il est important de rappeler que la proposition est un projet pilote afin de résoudre un enjeu d’occupation et de mise en valeur du patrimoine religieux. Afin de s’assurer de maximiser les retombées et de sélectionner les lieux de culte les plus propices au projet pilote, une analyse et une caractérisation de l’ensemble des lieux de culte de l’arrondissement a été réalisée. Cette étude exhaustive comprenait une analyse de l’état du bâtiment, un relevé photographique, un entretien avec le responsable du bâtiment, une analyse historique et iconographique ainsi qu’une analyse de la possibilité de diversification des usages.

Le projet se voulant être une ouverture à l’innovation pour les bâtiments avec un avenir incertain, une grille d’analyse a été élaborée de manière à pouvoir sélectionner les bâtiments ayant une occupation réduite, démontrant des signes de dégradation de l’enveloppe et ayant une possibilité de diversification des usages élevée. À court terme, les bâtiments sélectionnés sont ceux qui bénéficieraient le plus du projet pilote proposé.

Vous souhaitez suivre le dossier de près? Lorsque les modifications réglementaires seront soumises à une assemblée publique de consultation, toute la documentation relative au sujet se trouvera sur cette page-ci.