Les archéologues à l’assaut du passé de la métropole
Le sous-sol de l’île de Montréal regorge de vestiges d’un passé riche et unique. Apprenez-en plus sur les découvertes faites par les équipes d’archéologues sur les chantiers de fouilles dans Griffintown.
Griffintown, un quartier riche de ses trésors archéologiques
Si d’ordinaire l’archéologie évoque les contrées lointaines et les civilisations millénaires, notre métropole est pourtant loin d’être en reste. En effet, comptant pas moins de 230 sites archéologiques recensés, le sous-sol de l’île de Montréal grouille de vestiges du passé qui témoignent d’une histoire riche et distincte.
C’est d’ailleurs afin de mettre en valeur le patrimoine archéologique québécois que se tenait la 16e édition du mois de l’archéologie. L’occasion est donc toute désignée pour lever le voile sur deux sites qui font actuellement l’objet d’importantes fouilles archéologiques, soit l’ancien cimetière catholique Saint-Antoine et l’ancienne académie Sainte-Anne.
L’ancien cimetière catholique Saint-Antoine
Ancien lieu d’inhumation de la population catholique de Montréal, le cimetière Saint-Antoine a servi de dernier repos à pas moins de 55 000 personnes, notables comme pauvres entre 1799 et 1854, année d’ouverture du cimetière Notre-Dame-des-Neiges sur le mont Royal. Situé à l’emplacement actuel de la place du Canada et du square-Dorchester, celui-ci a d’ailleurs servi de lieu d’inhumation des patriotes exécutés à la suite aux Rébellions de 1837-1838. Faisant ni une ni deux et profitant de la réfection des infrastructures de la rue Peel, la Ville de Montréal procède, depuis quelques mois, à d’importantes fouilles archéologiques dans la portion ouest du site.
À ce jour, les archéologues ont découvert plus de 200 sépultures sur le site de l’ancien cimetière catholique. Les récentes découvertes ont ainsi été l’occasion d’en apprendre davantage sur les rites funéraires de l’époque. Les archéologues ont en effet pu constater que dans l’espace sacré, les sépultures sont organisées en rangée et sont parfois assez profondes.
Pour leur part, les individus privés du rite ecclésiastique, espace profane, furent enterrés plus en surface, bien souvent sous des fosses communes. À noter que l’espace profane accueillait essentiellement les infidèles, les hérétiques, les apostats, les excommuniés, les suicidés, les enfants morts sans baptême qui, selon les croyances de l’époque, portaient encore le péché originel, ainsi que les pécheurs publics dont faisaient partie les Patriotes.
Les archéologues ont également été à même d’y constater que la densité d’inhumation y est énorme, allant parfois jusqu’à quatre niveaux de superposition. Bien que certaines sépultures reposent sous terre depuis près de 200 ans, les fouilles ont permis de noter que quelques-uns des adultes retrouvés dans ce secteur étaient richement vêtus (boutons, tissus) et parfois accompagnés d’objet personnel (pipes, poignard, peigne).
Enfin, les recherchent ont mis à jour des caissons en bois et une large fosse contenant des parties de squelette en connexion et des os sciés ont été découverts dans l’espace profane. Selon une hypothèse qui reste toutefois à confirmer, il pourrait s’agir de restes humains inhumés pêle-mêle après autopsie.
Pour les archéologues, les fouilles effectuées dans l’ancien cimetière catholique Saint-Antoine sont une chance inouïe de documenter les rites funéraires au 19e siècle et d’enrichir nos connaissances sur le sujet. Comme le souligne Marie-Claude Morin, archéologue et conseillère en aménagement à la Ville de Montréal, « mettre au jour les espaces consacrés et profanes d’un cimetière est exceptionnel. Les documenter n’est rien de moins qu’un privilège et un devoir de mémoire », explique-t-elle.
Fouilles archéologiques dans l’ancienne Académie Sainte-Anne
Institution destinée à l’éducation des jeunes filles irlandaises du quartier Griffintown, le site de l’ancienne Académie Sainte-Anne (1857 aux années 1970) a également fait l’objet de fouilles archéologiques dans le cadre des travaux de réaménagement de la rue Rioux.
Ces fouilles ont permis de mettre à jour, à l’extrémité nord du parc du Faubourg Sainte-Anne actuel, les fondations en pierre d’une petite école construite en 1864 et démolie au tournant du XXᵉ siècle. Des documents d’archives nous ont d’ailleurs appris que ce bâtiment comportait trois classes ainsi qu’une salle de musique.
Une surprise toute particulière attendait les archéologues lors des fouilles. En effet, ceux-ci ont fait la découverte d’un caisson en bois aménagé contre le mur arrière de la petite école et au fond duquel gisait une quantité impressionnante d’artefacts. Ce caisson, servant de fosse à déchets pour les élèves et les enseignantes, contenait notamment des crayons en graphite trop usés et des tableaux d’ardoise cassés. D’autres objets, qui se sont sans doute retrouvés là par mégarde, ont également été découverts dans le caisson, notamment de petites figurines en porcelaine, des boutons, des perles, des épingles, de la monnaie en cuivre, etc. « Cette fosse a été en quelque sorte un cadeau pour les archéologues, un instantané de la vie l’estudiantine irlandaise », souligne Marie-Claude Morin.
Enfin, toujours dans le même secteur, d’autres fondations en pierre ont été mises au jour par les archéologues. Celles-ci appartiendraient à un bâtiment secondaire situé dans la cour arrière du bâtiment principal de l’Académie. D’après un plan cadastral datant de 1880, ce bâtiment correspondrait à la remise de l’école Sainte-Anne.
Il est à noter que les pavées qui se trouvaient dans le parc du Faubourg-Sainte-Anne seront récupérés et réutilisés lors de réaménagement de certaines rues du quartier Griffintown ainsi que pour l’aménagement de lieux publics. Contrairement à la croyance populaire, ceux-ci n’étaient pas des éléments originaux de l’ancienne Académie Sainte-Anne, mais avaient été installés dans le secteur au tournant des années 1990 dans le cadre de travaux d’aménagements du parc du Faubourg-Sainte-Anne.
Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va
Certes, pour certains, les travaux de réaménagement et de réfection qui ont cours dans le centre-ville montréalais sont un réel casse-tête. Toutefois, s’il est coutume de dire que le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres, on peut certainement en déduire que les travaux de réaménagement sont un véritable terrain de jeu pour les archéologues.
Ayant subi de nombreuses mutations au cours des années, le centre-ville de Montréal est un lieu riche d’une histoire et d’un passé qui lui est propre. Les récentes découvertes viennent ainsi enrichir nos connaissances historiques et nous permettent d’en apprendre chaque jour un peu plus sur les mœurs et coutumes des gens qui nous ont précédés. Loin d’être banal, déterrer et préserver ce patrimoine n’est rien de moins qu’un service pour la mémoire collective!
Les artefacts découverts lors des fouilles sont entreposés à la réserve des collections archéologiques municipales. La réserve contient actuellement plus de 3 000 boîtes. La collection est parfois ouverte au public lors d’événements particuliers.
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