10 questions à Dominique Fontaine, commissaire en résidence

Mis à jour le 16 février 2022
Temps de lecture : 5 min

En décembre dernier, la maison de la culture Janine-Sutto a accueilli Dominique Fontaine comme commissaire en résidence afin de mettre la diversité de l’avant sur les lieux, dans la programmation et dans le public. Son mandat? Proposer des activités d’exposition et de médiation inclusives.

Dominique, en quoi consiste ton rôle?

Je me vois un peu comme une invitée qui collabore avec l’équipe de la maison de la culture pour une durée d’un an afin de mieux refléter la diversité tant dans la programmation que le public. Ensemble, nous réfléchissons à des manières de rejoindre le public et à différents moyens artistiques pour communiquer avec les résident-e-s ainsi que les associations communautaires qui œuvrent dans ce secteur. Il est important de décider des projets à développer et de les réaliser avec les citoyen-n-es, et c’est là que je peux apporter mes connaissances de la diversité artistique de Montréal.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire cela?

Je trouvais que c’était une occasion intéressante d’œuvrer dans un lieu dont la mission même est la diffusion artistique et, en termes de maison de la culture, Janine-Sutto est l’une des meilleures de Montréal. Ses deux salles d’exposition, sa salle de spectacle et sa situation géographique la rendent vraiment unique. De plus, il s’agit déjà d’un endroit où l’inclusion est une orientation phare, donc c’est encore plus attrayant d’y proposer des activités d’exposition, de médiation avec le public, et de contribuer à rassembler la communauté immédiate.

Quelle est ta stratégie pour rejoindre la population avoisinante?

En effectuant beaucoup de recherche sur le contexte de la maison de la culture. Pour pouvoir mieux conceptualiser un projet qui rejoint la maison de la culture et son public, je dois d’abord trouver et comprendre les préoccupations des associations artistiques communautaires du Centre-Sud, des artistes, de la communauté. J’étudie également le portrait socio-démographique du secteur, qui me permet de mieux cibler les actions. 

Quel est ton parcours?

Dès mon plus jeune âge, j’éprouvais déjà de l’intérêt pour le monde des arts. Au secondaire, j’ai étudié dans une école avec une concentration en arts, ce qui m’a permis d’avoir accès aux arts visuels, à la danse et au théâtre. À l’université, j’ai d’abord complété deux sessions en théâtre, puis un baccalauréat en arts visuels. Par la suite, j’ai également fait un certificat en administration des arts, puis j’ai poursuivi mes études au deuxième cycle, dans un programme de commissariat d’exposition à Amsterdam. 

J’ai pu forger mon expérience en travaillant en administration des arts, tout en menant quelques projets en parallèle. D’ailleurs, le poste de commissaire en résidence m’est familier, puisque j’ai déjà occupé des fonctions similaires au centre d’artistes articule. L’un des aspects que j’appréciais le plus dans cette résidence était de pouvoir mener un projet avec le centre d’arts, tout en réalisant des ateliers avec les artistes et différents publics. Je suis heureuse de pouvoir retrouver cela à Ville-Marie.

Durant ton mandat, que souhaites-tu insuffler à la maison de la culture?

Je souhaite faire découvrir de nouvelles et de nouveaux artistes, d’autres projets artistiques auxquels le personnel de la maison de la culture n’aurait pas nécessairement pensé et amener une meilleure connaissance de la diversité artistique et culturelle à Montréal. Cela fait longtemps que je réfléchis à la place de la diversité dans les arts à Montréal, à la notion de pluralité culturelle, et je me passionne pour le sujet. Je souhaite qu’il y ait davantage de représentation dans les galeries, sur les scènes, sur les murs, dans les collections offertes et dans le personnel du milieu artistique. La diversité doit être partout!

Comment définis-tu la diversité culturelle?

C’est selon moi d’avoir une représentation hétérogène, une pluralité des voix. Dans un milieu artistique ou professionnel, c’est de pouvoir inclure plusieurs façons d’être, de voir des gens qui parlent différemment, issus de différents contextes. Il y a de la diversité partout autour de nous donc, quand on fait les choses, il faut naturellement pouvoir intégrer la diversité et, surtout, prendre conscience de l’importance que cela représente. 

Quels sont les avantages de mettre de l’avant une meilleure représentation de la diversité?

Une plus grande richesse, la découverte de nouvelles formes d’art, de nouvelles et de nouveaux artistes et d’un nouveau public. Cela peut interpeller plus de gens à venir participer aux activités qu’offre la maison de la culture, des gens qui ne seraient pas nécessairement venus s’ils ne s’étaient pas sentis représentés. Parce que l’une des facettes de la diversité, c’est la représentation. Montréal est une ville extrêmement diversifiée et cette représentation doit être généralisée dans toutes les sphères de la société, et dans tous les domaines, incluant les arts. 

Se voir, c’est justement la grande question du Mois de l’histoire des Noirs : la représentation des personnes noires dans les médias, au théâtre, en danse, en musique, dans les musées, dans les centres d’arts, dans le personnel; partout. Et à longueur d’année, pas seulement un mois par année.

Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, quels sont les artistes à découvrir selon toi?

La liste est longue! En théâtre, il y a le Black Theatre Workshop, qui existe depuis 50 ans déjà et qui vaut la peine d’être soutenu. En danse, j’apprécie la troupe Nyata Nyata. En photographie, j’aime le travail de Marie-Laure S. Louis et je découvre moi-même le travail d’Ève Tagny. En sculpture, les œuvres de Frantz Patrick Henry valent le coup d’œil. Le travail de l’artiste Michaëlle Sergile m’impressionne beaucoup. Aussi, soyez à l’affût des jeunes artistes qui commencent : Clovis-Alexandre Desvarieux, Mathieu Lacroix, Caroline Douville et Esther Calixte-Béa. Et du côté plus senior, l’artiste-peintre-graveure Marie-Hélène Cauvin mérite d’être découverte. Finalement, je recommande à tout le monde d’aller sur le site web du Mois de l’histoire des Noirs, pour encore plus de révélations et d’artistes inspirant-e-s.

Tu es lauréate de l’édition 2021 du Mois de l’histoire des Noirs. Peux-tu nous en parler?

Il s’agit d’un prix remis par la Table de concertation du Mois de l’histoire des Noirs et souligné par la Ville de Montréal, qui célèbre chaque année des gens qui se sont distingués dans leur milieu ou qui ont fait des choses significatives dans leur métier. Dans mon cas, j’ai réalisé des projets d’art assez structurants et innovants, dont Nous sommes ici, d’ici : L’art contemporain des Noirs canadiens. Il s’agit d’une exposition qui remet en question les préjugés sur la condition des Noir-e-s au Canada à la lumière des oeuvres d’artistes contemporain-e-s. Le concept de l’exposition traitait de la place de l’histoire des Noirs dans le tissu social canadien. C’était la première fois qu’une telle exposition était présentée au Musée des beaux-arts de Montréal, et même une grande première pour un musée québécois d’avoir une exposition mettant en vedette des artistes noir-e-s.

Comment comptes-tu laisser ta trace à la maison de la culture Janine-Sutto quand ton mandat sera terminé?

Je souhaiterais qu’on constate une transformation au niveau des publics qui fréquentent les lieux. Mon héritage pourrait aussi être marqué à travers une œuvre collective réalisée par les résident-e-s autour de la maison de la culture et un-e artiste, qui resterait de façon permanente et visible au grand public. Je souhaite également laisser une trace archivistique : tout ce qui sera fait durant mon passage sera documenté. Finalement, j’espère que l’expérience marquera et influencera l’équipe de la maison de la culture. Mais je tiens à préciser que c’est une expérience mutuelle de changement, de transformation et d’apprentissage : moi aussi, ça va me changer!