11 questions à Marc-Alain Robitaille, médiateur culturel

Mis à jour le 21 avril 2024
Temps de lecture : 4 min

Depuis plus de 10 ans, Marc-Alain, médiateur culturel, encourage le dialogue et crée des rencontres improbables et inoubliables entre un-e artiste, son œuvre et la population. En étant le lien entre toutes les parties, il a pu initier de nombreuses personnes au monde artistique.

En quoi consiste ton métier?

Je suis médiateur culturel. J’établis le lien avec une personne qui n’est pas nécessairement proche de l’offre culturelle pour qu’elle puisse vivre une activité et être en relation avec une ou des œuvres, qu’elle puisse rencontrer des artistes et connaître leur démarche artistique. L’important dans la médiation culturelle, ce n’est pas la finalité mais bien le processus, c’est-à-dire tout ce qui se passe au long de l’activité. En créant un rapport entre tout cela, je suis la personne qui se trouve au milieu de tout, d’où le nom de médiateur.

Quel est ton parcours?

L’amour du travail avec le public remonte à loin : j’ai été animateur de camp pendant trois ans, avant de partir vers Montréal pour mes études. J’ai d’abord suivi une formation à l’UQAM en jeu, puis j’ai fait une maîtrise en enseignement. Par la suite, je suis retourné à l’école, cette fois au conservatoire, en mise en scène. J’ai travaillé pendant très longtemps dans ce domaine. Puis, j’ai changé de cap et j’ai intégré le poste de médiateur culturel à l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, où je suis resté pendant 10 ans. Je travaille à Ville-Marie depuis mars 2020 et je suis le seul à détenir ce titre. 

À quoi ressemble une journée type?

Il n’y en a pas vraiment, car l’horaire varie beaucoup. D’ailleurs, la flexibilité fait partie des qualités recherchées dans mon métier. Lorsque je ne procède pas à une médiation à proprement parler, j’effectue beaucoup de recherches. On me retrouve également à la barre de l’émission Radio-Sutto, tous les mardis et jeudis, en mode 5 à 7. Finalement, je reçois les gens qui viennent voir l’exposition en cours et je dirige une équipe d’assistantes-animatrices à la billetterie, pour qu’elles aient aussi l’habileté à parler des œuvres lors d’animations.

Quelle est la différence entre la médiation et l’animation?

L’animation, c’est quelque chose que l’on peut faire et qui n’a pas nécessairement de thème, par exemple, un bricolage. La médiation doit toujours être reliée à un-e artiste professionnel-le et les gens doivent pouvoir suivre sa démarche artistique. Il y a donc toujours un thème. Lorsqu’un groupe vient voir une exposition, je leur fais faire la visite, mais pas comme un guide au musée. Je leur demande, par exemple, de choisir une œuvre et d’en parler à leur façon en équipe, puis on met tout cela ensemble. C’est vraiment une bonne façon de dialoguer, plutôt que d’être une personne qui guide et que les autres restent en silence. L’idée, c’est que les gens parlent, participent et posent des questions. Et quand on a la chance d’avoir un-e artiste, on aime qu’il ou elle soit présent-e.

Comment fais-tu connaître l’offre de médiation culturelle à la population?

La plupart du temps, je me déplace et je me présente. Parfois, je fais du porte à porte, tant chez les citoyen-ne-s que chez les organismes. Je rencontre les personnes responsables, ça me donne l’occasion de leur dire ce qui se passe à la maison de la culture. Dans mon travail, je me dois d’être très à l’affût des activités, car elles vont de pair avec la médiation culturelle.

Comment déterminez-vous quelle œuvre sera sujette à une médiation culturelle?

Souvent, on essaie d’y aller en fonction de notre exposition à venir. Lorsque la programmation est établie, on cible les expositions et les spectacles qui auraient besoin de plus de médiations culturelles et ceux où l’on voit que les artistes pourraient avoir un intérêt, parce que ce n’est pas tous les artistes qui le veulent.

Comment constates-tu les bénéfices qu’apporte ton métier?

D’abord, par le retour que j’obtiens quand je recontacte les organismes d’une année à l’autre. Par exemple, j’ai eu beaucoup plus de facilité cette année à refaire mes liens avec les camps de jour. Les gens reviennent voir les expositions, aussi. Finalement, lors de mes médiations culturelles, j’ai l’occasion de pouvoir saisir l’ambiance qui règne. Cela me sert aussi pour rédiger un bilan par la suite, car pour chaque projet, je dois fournir un rapport pour le gouvernement ainsi que pour la Ville. Ce bilan permet de leur montrer l’utilité et les impacts de l’activité, que je décris en détail.

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton travail?

Ce que je préfère, c’est rencontrer les gens, tant les artistes que la population. J’aime démocratiser l’art et faire réaliser au public que l’artiste n’est pas un hurluberlu, c’est un être humain qui réfléchit. Et même si parfois, l’œuvre est totalement abstraite, il y a eu toute une démarche de la part de l’artiste. Ce chemin est important et permet de mieux comprendre, par exemple, la représentation de trois triangles sur un tableau. 

Es-tu un artiste toi-même?

Dans les dernières années où j’étais au conservatoire, je faisais beaucoup de mises en scène, mais aujourd’hui, plus vraiment, quoique je continue à faire des lectures publiques de temps en temps. Mais en travaillant avec les artistes ici, je suis rassasié. Sinon, je peins et j’aime bien écrire des contes. Les arts sont une véritable passion pour moi.

Avec quel public préfères-tu travailler?

J’aime particulièrement travailler avec les enfants. Probablement parce que, lorsque j’étais petit, il n’y avait pas beaucoup de projets artistiques dans mon coin, en Abitibi. C’est donc une chance de pouvoir leur donner cela. Quand je vois des enfants qui travaillent fort et qui s’amusent en même temps, je trouve que c’est beau.

Y a-t-il un projet dont tu es particulièrement fier?

Durant la pandémie, nous avons réalisé le projet Postez l’art!, une série d’ateliers d’art postal avec l’artiste visuel Pierre Bruneau. Nous avons donné ces ateliers dans des écoles primaires, secondaires ainsi que dans toutes sortes d’organismes, pour qu’ensuite, chaque personne puisse offrir une carte à quelqu’un qui vivait de la solitude. Tout ce qui a été produit en art postal a été donné à des CHSLD ou à des familles qui vivaient des situations difficiles. Un très beau projet et un geste magnifique des citoyen-ne-s!