L’artiste verrier Jeff Scheckman récompensé lors de l’Opération patrimoine 2024

Publié le 18 décembre 2024 à 13 h 41
Mis à jour le 19 décembre 2024 à 8 h 27

Après avoir remporté le grand prix 2024 dans la catégorie Savoir-faire lors de l’Opération patrimoine Montréal, nous avons eu le privilège de rencontrer Jeff Scheckman, l’artisan verrier qui a restauré les vitraux de la bibliothèque Maisonneuve et bien d’autres joyaux montréalais.

L’Opération patrimoine Montréal célèbre le patrimoine montréalais sous toutes ses formes et sensibilise la population à l’importance de le protéger. Jeff Scheckman a reçu, le 27 novembre dernier, la distinction de la catégorie Savoir-faire pour sa maîtrise d’une pratique traditionnelle, ici le travail du verre. 
 
Dans cet entretien, il nous partage son parcours, son travail et la manière dont il a pris soin de restaurer le magnifique dôme et le vitrail de l’escalier de la bibliothèque Maisonneuve.

C’est en 1981 qu’il lance le Studio du verre avec son associé Garth Jenkins. Cumulant plus de 43 ans d’expérience dans la fabrication et la restauration des vitraux, on ne compte plus le nombre de bâtiments montréalais restaurés par M. Schekman : des résidences d’Outremont et de Westmount, l’hôtel de ville de Montréal, le château Dufresne, l’oratoire Saint-Joseph, des chapelles, des églises, la bibliothèque Maisonneuve et plusieurs autres. 

La restauration des vitraux de la bibliothèque Maisonneuve : un travail méticuleux 

 De 2020 à 2023, la bibliothèque Maisonneuve a fait l’objet de travaux de restauration. Parmi ceux-ci, deux vitraux ont été restaurés : le puits de lumière en dôme et le vitrail situé dans l’escalier.

La restauration du dôme a été réalisée de manière ponctuelle, directement sur place, afin de préserver l’intégrité de l’ouvrage. Retirer le vitrail pour le restaurer en atelier aurait risqué d’endommager davantage cette immense pièce fragile. En revanche, le vitrail de l’escalier a nécessité une restauration complète. Plusieurs remises en plomb ont été effectuées, une technique qui consiste à retirer les anciens plombs usés pour les remplacer par des nouveaux.

Faire une restauration complète vise à conserver l’intégralité de l’œuvre originale en intervenant le moins possible sur les éléments d’origine. Le remplacement des plombs, idéalement tous les 100 à 150 ans, permet de préserver la beauté et l’authenticité des vitraux tout en garantissant leur pérennité. 

Le dôme de la bibliothèque : une pièce particulièrement fragile  

« Le dôme est spécial! Il a été particulièrement complexe à travailler, car sa forme courbée le rend fragile, ce qui nécessite un travail de minutie et de précision. Afin de suivre cette courbe, nous avons dû réaliser le concept avec de nombreux petits morceaux de verre, ce qui a permis au plomb de se plier conformément à la forme tout en respectant l’origine du design. Pour surmonter cet enjeu et garantir une finition impeccable, les zones les plus complexes à combler ont été remplies avec du mastic. », ajoute-t-il. 

Restauration des vitraux de Guido Nincheri appartenant au Château Dufresne 
 
Dans l’atelier de M. Scheckman, sur une table lumineuse, trône l’un des vitraux de l’artiste italien Nincheri. Surnommé à l’époque le « Michel-Ange du Canada », l’artiste avait été embauché par les frères Oscar et Marius Dufresne pour construire leur imposante résidence qui deviendra le Château Dufresne, un immeuble de style Beaux-Arts. Inspiré du château du Petit Trianon en France, cet immeuble a été laissé à l’abandon pendant plusieurs années. En 1976, le ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCCQ) assure sa protection en le classant immeuble patrimonial. 
 
« Dans la salle de billard, il y avait 6 vitraux, il n’en reste qu’un seul. Les autres n’ont jamais été retrouvés. Ces œuvres avaient été peintes à la main. On nous a demandé de restaurer celui qui reste et de reproduire les 5 autres. C’est un très grand défi de restauration…et de création! » 
 
« Nous avons fait la proposition au MCCQ d’enlever les anciens plombs et de sauver le verre qui reste. Nous allons utiliser un verre qui concorde pour remplacer le verre cassé ou abîmé. Ce qu’on fait, c’est qu’on applique une pellicule de papier et on fait un frottis avec un fusain pour garder une trace de l’état original du vitrail, même si on a des photos. Puis on présente un dessin de ce que nous allons faire au client qui est la Ville de Montréal, propriétaire des lieux aujourd’hui. », raconte M. Scheckman. 

Maître verrier : un métier à préserver 
 
En 1976, M. Scheckman apprend le métier du verre avec le maître verrier hollandais Théo Lubbers pendant 5 ans. 

« J’ai fait mes études en musique à McGill et lorsqu’est venu le temps de me trouver un emploi, j’ai rencontré tout à fait par hasard le grand maître Théo Lubbers dans le Vieux-Montréal. Alors qu’il avait besoin d’un apprenti, il m’a invité à son atelier de vitrail montréalais où j’ai passé 5 ans à apprendre à ses côtés. Il a été mon école », mentionne Jeff Scheckman. 
 
Le Québec ne dispose d’aucune école de vitrail et la relève se fait rare. Les jeunes artistes qui s’intéressent à cet art doivent fréquenter l’école des beaux-arts de Montréal ou de Québec. Heureusement, M. Scheckman et son associé Garth Jenkins ont recruté de jeunes apprentis de talent à quel ils transmettent leur savoir-faire. 

Le patrimoine montréalais : une fierté de le restaurer 

 La restauration de bâtiments patrimoniaux est une source de grande fierté, car elle permet de préserver notre héritage et de raconter l’histoire du passé. Imaginez être l’artiste derrière l’œuvre? C’est avec modestie que Jeff Scheckman termine l’entretien en nous parlant de ses réalisations de manière simple et humble, en soulignant l’importance de préserver le patrimoine afin que nous puissions longtemps admirer notre richesse historique.

C’est certain que le dôme de la bibliothèque Maisonneuve est particulièrement rare et imposant, en raison de sa structure complexe et imposante. Après plus de 40 ans de carrière, je dois dire que les vitraux des 4 puits de lumière dans la basilique Notre-Dame ainsi que des 16 lucarnes de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde située sur le boulevard René-Lévesque sont des restaurations incroyables dont je suis particulièrement fier. D’ailleurs, en raison de l’étroitesse des escaliers de la basilique Notre-Dame, les vitraux ont dû être descendus du bâtiment à l’aide d’une grue!

Montréal regorge de magnifiques pièces de verre, témoins d’un savoir-faire exceptionnel. Au-delà de la technique que nécessitent de telles restaurations, elles sont une façon de maintenir en vie la beauté et l’histoire, en respectant le lieu et en garantissant leur pérennité. 

En images, découvrez le Studio du verre de Jeff Scheckman et Garth Jenkins.

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